Boris Raux, agenceur de l’intime
Attiré par ce qui était il y a dix ans « un territoire inexploré », Boris Raux, cherche à comprendre le monde et notre façon de l’habiter par le prisme de l’olfaction.
Peu convaincu par l’appellation « art olfactif », il préfère parler d’une dimension olfactive introduite dans la pratique plastique contemporaine. Ses œuvres, empruntant à l’histoire de l’art formes et références, ont plusieurs niveaux de lectures vers lesquels l’odeur n’est qu’un point d’entrée.
Boris Raux réagence des formes olfactives existantes en partant d’objets quotidiens comme les produits fonctionnels, ready-made odorants choisis pour ce qu’ils reflètent de la société. Il s’achemine ainsi vers une réflexion sociologique, à la fois enquête scientifique et engagement politique.
Il expose gels douches et shampoings dans une esthétique de laboratoire dans La collection ou en fait des sculptures colorées dans ses Epithéliums qui s’ouvrent comme d’étranges fleurs factices. Jouant avec humour des histoires du marketing, son Tour du Monde en 80 déodorants Ushuaïa nous emmène dans un exotisme de synthèse tandis que ses œuvres en détergents nous parlent de la pollution du quotidien.
Mais il sait aussi individualiser son regard qui s’infiltre alors dans l’intime, sans voyeurisme, les corps demeurent absents. Ses Portraits olfactifs, natures mortes, mettent en scène les produits qui constituent l’aura olfactif de chacun. La fabrique des gisants – des bains gélifiés où se retrouvent capturés les résidus du corps – défie « la pression de la construction du corps dans la société ». Cherchant la confrontation à l’altérité, il invite le public à entrer dans son territoire intime avec Latent(e) – tente faite des draps de son lit conjugal – et La fin de journée, empilement de t-shirts portés, comme une sculpture de sa propre odeur.
Fasciné par l’absence d’intersubjectivité dans la perception des odorants, Boris Raux ne croit pas en l’autonomie de l’odeur, mais y voit la possibilité d’un espace intermédiaire, un « lieu de partage de nos fictions intimes et personnelles ».
Clara Muller,
journaliste pour le magazine NEZ#4